
Une façon différente de regarder ton enfant, de nommer ce qu’il montre et d’attendre son initiative… pour ouvrir la porte à une vraie communication.
Chaque fois qu’un enfant arrive ici pour une semaine intensive, je me sens comme une détective devant un puzzle : celui de l’enfant.
Chaque geste, chaque silence, chaque regard est une pièce du mystère.
La semaine dernière, c’était Emma, une fille de dix ans. Ses parents m’ont confié qu’ils pensaient venir depuis longtemps. Mais, comme sa mère me le disait :
« C’est difficile de faire la différence entre les prestataires d’ABA... et venir ici, ça a un prix. »
Finalement, ils ont décidé de venir, parce qu’ils avaient l’impression que leur fille n’avançait plus.
Sa mère m’explique :
« Elle répète tout ce qu’on dit, mais elle ne fait pas de vraies demandes. De plus elle a des comportements de provocation sévères.
Comme on m’a appris à ignorer ces comportements, j’ai appris à ne plus réagir.
Mais elle a fini par trouver des gestes que je ne peux plus ignorer ».
On va dans la salle de jeux. Je demande à sa mère de jouer avec elle.
Sa mère s’installe pour jouer, elle prend un jouet et demande :
— « Tu veux jouer avec ça ? »
Emma répète : « Ça ».
— « Tu veux ce jouet ? »
— « Ce jouet ».
Un dialogue familier... mais pas un vrai échange. Emma répétait sans répondre.
Je propose alors d’aller dans ma pièce vide.
Pendant la transition, j’explique aux parents la procédure Dire–Donner : observer, nommer, agir. Je leur dis :
« Il faut que vous arrêtiez de poser des questions. Les enfants répètent ce qu’ils ont entendu au moment où ils obtenaient ce qu’ils voulaient. On veut donc qu’ils entendent les mots qui correspondent à ce qu’ils veulent (ou ne veulent pas), au moment même où ils le montrent — avant de l’obtenir ».
Pour illustrer, j’ajoute :
« C’est pour ça que j’entends tant d’enfants dire “merci” ou “tu veux ça ?” quand ils désirent quelque chose ».
En passant devant l’escalier, je vois Emma s’arrêter. Elle regarde vers le bas, pleine d’envie.
Je dis simplement :
« Descendre ! »
Elle me regarde d’un air affirmatif.
Je réponds :
« Non, on va dans l’autre chambre ».
Elle me suit.
Quelques secondes plus tard, elle me regarde et dit :
« Descendre ».
C’était magnifique — une preuve concrète de ce que j’expliquais : quand on nomme ce que l’enfant montre, il finit par le dire lui-même, quand il est vraiment motivé.
Et ce principe, je l’applique aussi quand l’enfant montre une émotion avec son corps. À chaque fois que je nomme ce qu’il ressent et que j’y réponds, je vois un vrai soulagement dans son regard.
Par exemple :
Dans ces moments-là, l’enfant comprend que ses émotions ont du sens. Et souvent, quand on met les mots justes, la tension tombe, le corps s’apaise, et la communication redevient possible.
Une fois dans la pièce vide, je demande à la mère d’imiter sa fille. Simplement, sans diriger, sans parler.
Au début, Emma est toute excitée : elle saute, court, se cache sous le bureau, rit nerveusement.
C’est sportif ! Ses parents alternent pour ne pas s’épuiser. Mais après trente minutes, quelque chose change.
Emma comprend que c’est elle qui mène le jeu, et que ses parents la suivent vraiment. Elle commence à prendre des initiatives — encore vives, mais sans provocation.
Elle « redescend » émotionnellement, et devient réellement heureuse de jouer avec eux, simplement parce qu’ils jouent son jeu, sans jugement, juste pour être ensemble.
Trente minutes plus tard, elle n’a plus d’idée. C’est le moment où je propose des chaînes sociales.
Je demande à sa mère de se cacher sous un drap, puis d’apparaître pour faire des guillis.
Emma adore !
Après deux répétitions, je suggère d’attendre qu’Emma soulève le drap...
Mais elle ne bouge pas.
On répète cela avec d’autres jeux sociaux, mais on rencontre le même problème :
dès qu’on attend une initiative d’elle, ça ne vient pas. Elle attend qu’on lui donne le mot à répéter pour obtenir ce qu’elle veut. Et c’est exactement ce que nous essayons de changer.
Ce que je remarque souvent, c’est que les parents ne se rendent pas compte de toutes les initiations qu’ils font eux-mêmes pour que leur enfant « fasse une demande ». Ils avancent vers lui, font des bruits pour attirer son attention, tendent les mains, posent une question, ou montrent l’objet pour l’encourager.
Ils mettent le drap devant l’enfant pour jouer au fantôme, l’agitent, le posent sur sa tête...
Mais tout cela, c’est initié par le parent, pas par l’enfant.
Quand je dis que l’enfant doit initier, je veux dire qu’après avoir eu l’action amusante, par exemple après qu’on a joué au fantôme et fait les guillis, le drap reste là où il est. Et cette fois, le parent ne s’avance pas vers l’enfant.
Au contraire, il s’éloigne légèrement, pour créer cet espace qui pousse l’enfant à venir vers lui.
C’est ce petit mouvement vers le parent qui est le début de la vraie communication. C’est le moment où l’enfant prend l’habitude de faire le premier pas, de montrer ce qu’il veut au lieu d’attendre qu’on devine pour lui.
On ne bouge pas, on ne tend pas les mains, on ne dit pas « encore ? », on ne fait pas de signe de tête, on n’encourage pas.
On reste immobile, jusqu’à ce que l’enfant fasse quelque chose pour montrer qu’il veut recommencer.
Peut-être qu’il va te donner le drap dans la main — c’est un début.
Mais petit à petit, on attend un geste plus précis :
qu’il le soulève pour le mettre sur ta tête, s’il veut que tu sois le fantôme, ou qu’il le place sur lui, s’il veut que tu le caches.
C’est pour ça qu’on apprend à attendre un geste de plus en plus clair, à observer avec patience, jusqu’à ce que le message de l’enfant devienne évident, pour que n’importe qui puisse le comprendre.
C’est exactement ce que j’enseigne aux parents pendant les semaines intensives :
attendre vraiment, sans guider, sans anticiper, pour que l’enfant découvre par lui-même le pouvoir de son initiative.
Le dernier jour, je propose à la maman de faire le repas avec Emma. Elle me dit tout de suite que ce n’est plus possible :
« Malheureusement, depuis quelque temps, je ne peux plus faire d’activités de cuisine avec elle. Elle jette la vaisselle par terre dès qu’elle l’attrape ».
Effectivement, quand on commence à mettre la table, Emma prend une assiette, regarde sa mère d’un air un peu menaçant, comme pour la tester. Mais cette fois, quelque chose a changé. Elle hésite un instant...
puis pose doucement l’assiette sur la table. Et fait de même avec les trois suivantes.
Je vois dans son regard qu’elle a compris autre chose :
qu’elle n’a plus besoin de casser pour attirer l’attention de sa mère. Elle a appris à obtenir l’attention et l’interaction de sa mère dans le jeu, et ce lien commence déjà à porter ses fruits.
Après la lecture de cette lettre, la mère d’Emma m’a écrit ce message. Je le partage ici, avec son accord, parce qu’il décrit mieux que moi ce qui peut se passer quand on cesse de diriger pour enfin observer :
« Merci beaucoup pour ce résumé de la semaine.
Cela expose bien notre problématique et j’essaye vraiment plus de regarder et observer Emma, et de moins la guider ou lui donner des consignes.
C’est drôle, depuis le stage intensif, il y a comme des déblocages qui se mettent en place. Autant j’étais persuadée, comme vous nous l’aviez montré, qu’elle ne comprenait pas vraiment l’idée derrière les mots (croa / la poule / la chaise), autant nous avons été bluffés par deux phrases complexes qu’Emma nous a dites,
sans qu’on les lui ait soufflées juste avant, à quelques jours d’intervalle :
— Au gîte, elle voulait aller jouer sur la balançoire dans le jardin.
Son père lui a dit : « Non, il pleut ».
Elle s’est penchée dans l’escalier pour regarder par la fenêtre et a répondu immédiatement :
« Non, il ne pleut pas ! »
— À la maison, pareil. Vers 18h, je pars me laver les mains dans la salle de bains, on discutait du repas,
et soudainement Emma vient me voir et dit :
« Il part pas ! »
Je lui demande : « Qui ? »
Elle répète : « Il part pas ! »
Après plusieurs tentatives, elle finit par dire : « Il part pas pa... pa-pa ! »
Et en effet, son père, Pierre, partait le lendemain — mais je ne lui en avais pas parlé.
Elle s’est ensuite dirigée vers lui et lui a dit : « Faut pas partir ! »
C’était incroyable. Je ne l’ai jamais entendue dire des choses aussi spontanées et pertinentes, sans que ce soit répété... »
Une autre famille était là cette semaine. Leur enfant, Tom, lui non plus, ne faisait pas de demandes spontanées.
À la fin de la semaine, la mère m’a dit :
« Avant, je n’avais pas fait le lien entre le manque de prise d’initiative de mon fils et ses difficultés de communication ».
C’est tellement juste.
Si un enfant n’initie pas, on ne peut pas lui apprendre à communiquer.
Et si on n’attend pas son initiative — qu’il montre avec son corps ce qu’il veut — on ne peut pas vraiment savoir ce qu’il désire. À force de deviner pour lui, on finit par parler à sa place.
Et on lui enlève, sans le vouloir, la possibilité de se faire comprendre par lui-même.
Le père a ajouté quelque chose qui m’a profondément touchée :
« Ça fait onze ans... et je me suis rarement mis au rythme de mon enfant. Pris dans mon propre rythme, dans un mode de vie trépidant. Il s’agit d’apprendre à attendre qu’il montre, par son comportement, ce qu’il veut ou ne veut pas, plutôt que de lui poser des questions et de donner des consignes ».
Je pense souvent à un petit garçon qui adore son bain. Il y reste parfois plus de trente minutes. Un jour, après à peine cinq minutes dans le bain, il éclabousse un peu trop. Sa mère ferme le robinet et dit simplement :
« C’est fini. »
Il se lève, commence à sortir. Sa mère croit qu’il veut quitter le bain et, comme c’est la routine, elle le sort et l’emmène dans la chambre pour l’habiller.
Mais à peine sorti, il pleure, crie, proteste. Pendant tout l’habillage, il pleure et se débat.
Cela dure une vingtaine de minutes.
Elle ne comprend pas — pourtant, il était bien sorti du bain de lui-même. C’est ce qui rendait la situation si difficile à comprendre pour elle. En revoyant la vidéo ensemble, je lui dis :
« Regarde : il pensait que tu lui disais que le bain était fini. Il t’a écoutée tout de suite quand il a entendu “fini”,
mais juste après, il s’est rendu compte qu’il ne voulait pas sortir du bain, qu’il voulait continuer à jouer avec l’eau.
Mais il ne peut pas te le montrer, parce que tu le gardes dans la pièce pour l’habiller. Tu l’empêches de retourner dans la salle de bain ».
Et c’est là qu’elle a compris. Il ne voulait pas sortir du bain. Il voulait juste continuer à jouer dans l’eau.
S’il avait eu la possibilité de le montrer, il n’y aurait pas eu de crise — juste un moment de compréhension mutuelle.
Observe
Regarde ce que ton enfant montre avec son corps, son visage, ses gestes.
Dis
Verbalise ce que tu comprends : « Sortir ! », « Ranger ! », « Bain ! »
Donne
Agis immédiatement : fais ce que ton enfant montre qu’il veut. Donne-lui accès à ce qu’il désire, ou enlève ce qu’il refuse.
Ce lien direct entre observation, parole et action renforce la communication.
Et c’est particulièrement important pour les refus.
Exemple :
Ton enfant pousse un jouet que tu viens de poser.
Dis : « Ranger ! » et range-le tout de suite.
Il apprendra que ce geste a du sens, qu’il communique.
Après que l’enfant a fait sa demande et que vous avez répondu ou agi, attendez pour voir ce qu’il fait ensuite.
Aussi — et parfois surtout — si votre enfant parle.
Parfois, on a mal compris (comme dans l’exemple du bain), ou les mots qu’il a dits ne correspondent pas tout à fait à ce qu’il voulait. Ses actions, après la demande, vous diront si celle-ci était exacte... ou non.
Par exemple, il dit :
« Rentrer maison ».
Vous lui répondez :
« D’accord, on rentre ».
Mais au lieu d’aller vers ses chaussures, il attrape un jouet sur le passage, ou se dirige vers le robinet qui se trouve dans l’entrée pour jouer avec l’eau. Il ne voulait pas rentrer : il voulait faire autre chose.
C’est pour ça qu’il est si important de laisser le temps d’observer la suite, de ne pas tout de suite interpréter ou donner la consigne.
Parfois, la vraie demande se révèle dans l’action qui suit sa demande.
Le dernier jour, le papa joue au ballon avec Tom. Il s’assoit par terre et dit :
« On fait rouler la balle ».
Tom ne renvoie pas le ballon.
Le père insiste :
« Fais-la rouler ».
Tom gémit, tape la balle au hasard. Quand le ballon s’éloigne, le papa dit :
« Va le chercher ».
Tom revient, toujours en gémissant. Il a cette résistance passive qu’on connaît bien :
il ne veut pas, mais ne sait pas comment le dire.
Alors je dis aux parents :
« Voilà, c’est exactement pour ça qu’on veut lui apprendre les bons gestes de refus, comme quand il a rangé le livre ».
Et c’est à ce moment-là que Tom, qui m’écoute, se redresse, prend le ballon, se lève... et va le ranger.
Je souris :
« Regardez ! Il a compris. Il a trouvé son geste de refus ».
Le papa le regarde, souriant. Tom me regarde, et cette fois, il sourit. Il vient de comprendre qu’il pouvait dire non autrement : sans crier, sans gémir, juste avec un geste clair.
Et qu’on allait l’écouter.
Un petit geste simple, mais tellement fort.
Si on n’enseigne pas et si on n’accepte pas ces gestes, l’enfant ne voit pas d’autres façons de terminer l’action : ne plus participer, faire n’importe quoi, crier, cracher ou pire encore.
Et vous, est-ce que vous posez souvent des questions à votre enfant, au lieu de simplement observer ce qu’il vous montre ?
Qu’est-ce qui vous retiendrait d’essayer autrement, de ne plus questionner, mais d’attendre ?
Essayez, même une seule fois :
Vous verrez à quel point c’est difficile... et à quel point cela change tout.
Parce qu’à ce moment-là, vous n’êtes plus seulement la personne qui parle, mais celle qui écoute vraiment.
Ce soir, je te souhaite d’attendre un peu plus longtemps, de te mettre au rythme de ton enfant, et de goûter à cette immense beauté du moment où il se rend compte que tu le comprends — enfin, vraiment.
Si toi aussi tu veux explorer cette façon d’être ensemble, de jouer, de communiquer et de co-réguler avec ton enfant, rejoins notre formation « Jouer, Communiquer et Collaborer / Co-réguler ».
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