La famille entre dans mon institut.
Le papa, la maman, Thomas (5 ans) et son intervenante.
Thomas file droit vers un meuble sur le côté, ouvre un tiroir, le referme, puis recommence.
Les parents enlèvent leurs manteaux, leurs chaussures. Sa mère lui prend la main pour l’amener dans la salle de jeux.
Comme d’habitude, je demande :
"Est-ce que l’un de vous aimerait jouer un peu avec Thomas pour le mettre à l’aise ?"
Le papa veut bien essayer.
Il s’assoit au sol, tente d’interagir. Thomas réagit un peu aux guilis… mais cela ne dure pas.
Le papa prend alors une voiture, puis des blocs — mais son fils ne répond pas à ses initiatives.
Il regarde sa femme et dit :
"Tu veux essayer ?"
La maman s’assoit à son tour, mais Thomas s’éloigne aussitôt. Il ouvre la porte, retourne aux tiroirs.
Elle le ramène doucement, tente une chanson. Il n’est pas intéressé.
Elle me dit alors, avec un mélange de résignation et d’espoir :
"C’est pour ça qu’on est venus. On n’arrive pas à jouer avec lui. Il ne s’intéresse qu’à ouvrir et fermer les tiroirs, ou les portes. Il ne joue pas avec nous. Ni avec personne d'autre. La seule chose qu’il aime, ce sont les dinosaures. Mais même là, il les regarde, les tient… il ne joue pas vraiment."
Je réponds doucement : "D’accord. Est-ce que vous pourriez me montrer ce que vous faites habituellement avec lui ?"
Je vois alors son visage s’éclairer. Un vrai soulagement.
Elle sort des fiches de travail de son sac et me demande : "Vous avez un crayon ?"
Je lui en donne un. Elle s’installe à table avec Thomas. Il trace le mot “dinosaure” plusieurs fois. Une fois terminé, elle lui donne un livre musical.
Il ne lit pas. Il appuie sur un bouton. Toujours le même. Encore et encore.
Nouvelle fiche. Il doit relier les dinosaures de même couleur. Il le fait. Et reçoit le droit d’écouter son livre.
Elle me dit fièrement :
"Comme vous l’avez dit pendant votre webinaire… je me suis adaptée à lui ! Il aime les dinosaures, alors j’ai fait des fiches avec des dinosaures. Et ça marche mieux."
Je lui réponds :
"C’est génial que vous ayez réussi à faire ça. Et c’est très bien de lui proposer cela à l’école, pendant les temps de “travail”.
Mais… quand je parle de m’adapter à un enfant, je parle de m’adapter à ses compétences."
Elle me regarde, un peu surprise et elle me dit:
"Mais ce n’est pas trop difficile pour lui. Il y arrive, vous l’avez vu. Et il aime ça""
Je pense alors :
"S’il aimait vraiment ça… il n’aurait pas besoin de récompense pour le faire.
Mais ce que j’ai vu de plus spontané depuis son arrivée, ce qu’il fait sans consigne, sans récompense… ce sont les tiroirs."
Je poursuis :
"Avant d’écrire. Avant de colorier.
Un enfant joue avec ses parents. Il initie. Il observe. Il rit. Il partage. Il cherche l’autre du regard.
Est-ce que vous vivez ça avec Thomas ?"
Elle secoue doucement la tête :
"Non."
Comme les parents m’ont dit qu’il aime les dinosaures, je prends ma marionnette en forme de crocodile et je m’assieds au sol, à deux mètres de Thomas, qui est collé à ses parents.
Je rampe vers lui. Je chante doucement :
Le crocodile... est dans l’eau,
Le crocodile... ne bouge pas du tout,
Le crocodile... vient de plus en plus près…
et hop là… il te mord les fesses !
Thomas me regarde, blotti contre ses parents.
Je le “mords” à peine.
Je recule. Je vérifie s’il me regarde, puis je recommence.
La troisième fois, il tourne ses fesses vers moi.
Volontairement.
Et il me regarde — et on rit ensemble.
Je donne la marionnette au papa. Il s’installe par terre. Thomas le suit.
Le jeu recommence. Encore et encore.
Je propose de travailler la demande.
Le papa dépose le crocodile au sol, attend que Thomas le lui apporte avant de recommencer le jeu.
Ils jouent 30 minutes.
Thomas ne cherche plus à quitter la pièce.
Ils rient. Ils se regardent. Ils s’amusent ensemble.
Et surtout : de son propre chef, Thomas va chercher le crocodile pour le tendre à la personne avec qui il veut jouer.
Finalement, tout le monde y passe : chacun doit ramper par terre comme un crocodile !
Je les revois trois mois plus tard
Je dis : "Vous pouvez commencer à jouer, comme d’habitude ?"
Pas d’hésitation.
Le papa doit d’abord attraper Thomas comme un ours, puis comme un fantôme.
Et maintenant, Thomas parle. Il dit :
"Attraper !"
Son papa lui demande : "Comment ?"
"OURS !" repond Thomas
Et le jeu repart !
Les parents me disent :
"À l’école, il commence à jouer avec les autres enfants. Il a joué au ballon. Il a joué au chat.""
"Et il commence à dire “au revoir”, “viens”, “dino”, et bien plus encore."
Je suis profondément heureuse.
Pas parce qu’il colorie mieux.
Mais parce qu’il entre en relation. Parce qu’il joue. Parce qu’il vit l’interaction.
Cette semaine
Observez vos enfants. Observez les enfants que vous accompagnez.
Et demandez-vous :
Est-ce que je m’adapte à ce qu’il aime ?
Ou à ce qu’il est prêt à vivre avec moi maintenant ?
Car
Le lien précède l’apprentissage.
Le regard précède la demande.
Le jeu partagé précède la compétence.
Si je vous raconte tout cela aujourd’hui, c’est parce que je suis justement en train d’écrire un chapitre essentiel de mon prochain livre, consacré aux trois principes de base de notre approche.
Ces principes seront également au cœur de la nouvelle formation que je lancerai en septembre 2025.
À dimanche prochain, pour découvrir ensemble le deuxième principe :
Laisser l’enfant faire par lui-même.
Cliquez ici pour en savoir plus.
Caroline
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