Comment créer un jeu vraiment engageant avec votre enfant — Les dominos sociaux

Une activité simple et très structurée pour transformer le « non » en jeu partagé… et encourager l’initiative sociale.

Ce dimanche, j’aimerais partager avec vous une activité qui, selon mon expérience, fonctionne incroyablement bien avec la plupart des enfants autistes. C’est une idée de jeu qui peut réellement transformer la dynamique entre un parent et son enfant : elle peut faire la différence entre un enfant qui semble ne pas vouloir jouer avec nous… et un enfant engagé, actif, qui nous montre clairement qu’il veut continuer.

J’appelle ces activités les dominos sociaux. Je me suis inspirée du concept des « chaînes sociales » développé par Francesca Degli-Espinosa, dont je suis actuellement une formation. J’ai simplement choisi un terme plus facile à comprendre pour les parents, mais l’idée est directement inspirée de son travail.

Ma mission est simple : permettre à chaque parent d’enfant autiste de jouer et communiquer avec son enfant.

C’est pour cela que je vous partage aujourd’hui un outil qui marche extrêmement bien et qui crée un vrai engagement.

Pourquoi les dominos sociaux fonctionnent si bien ?

Les dominos sociaux fonctionnent particulièrement bien parce qu’ils sont très structurés. Chaque étape est prévisible, toujours identique, et ne se déclenche qu’en réponse au geste communicatif de l’enfant.

Cette structure claire et répétée permet à l’enfant :

• de comprendre ce qui va se passer,
• d’anticiper la suite,
• de prendre du plaisir dans la prévisibilité,
• et surtout : de s’engager volontairement dans l’interaction.

Au fil du temps, les « pièces » des dominos deviennent un peu plus « lourdes », car on attend de l’enfant un geste communicatif de plus en plus clair pour le parent.

Votre premier set de dominos sociaux : les trois animaux 🐯🐘🐔

Je vais vous présenter aujourd’hui un ensemble de dominos sociaux que j’ai inventé et qui fonctionne très bien : les trois animaux.

Il est essentiel que chaque étape soit faite exactement de la même manière, de façon très prévisible. Les enfants autistes adorent les jeux vidéo, notamment parce qu’ils sont prévisibles : nous devons suivre la même logique. Le parent joue le rôle du « programme » — clair, constant, identique.

Structure d’un domino social

Voici la structure de base :

• Étape 1 : Le parent est debout, immobile, bras le long du corps. Avec une voix pleine de suspense, il dit :
  « Je suis… »
  Puis il marque une pause.
• Étape 2 : Il se transforme soudainement en l’animal choisi et dit son nom.
• Étape 3 : Il fait deux grands pas vers l’enfant (sur le lit ou une chaise).
• Étape 4 : Arrivé devant l’enfant, il marque une pause puis fait le bruit + le geste de l’animal.
• Étape 5 : Après une nouvelle pause, il fait l’action de l’animal sur l’enfant (3–4 secondes maximum).

Ensuite, il retourne au point de départ.

Après quelques reprises, vous pouvez changer le point de départ et vous éloigner un peu plus de votre enfant. Cela permet à l’enfant de prendre l’initiative de se retourner vers vous ou même de venir vers vous pour recommencer la séquence.

Avec le temps, il est très fréquent que, lorsque vous dites « Je suis… » et que vous faites votre pause, votre enfant crie soudain : « le tigre ! », « la poule ! » ou « l’éléphant ! ». C’est un excellent signe ! Cela montre qu’il anticipe la séquence et qu’il s’engage activement. Dans ce cas, vous pouvez bien sûr suivre son choix et enchaîner le domino en fonction de l’animal indiqué.

Exemples des trois animaux

Le tigre

• Transformation : posture de tigre, griffes
• Bruit : « Grrrr ! »
• Action : « manger » l’enfant

L’éléphant

• Transformation : bras en trompe
• Bruit : barrissement
• Action : souffler sur le ventre de l’enfant

La poule

• Transformation : bras pliés comme la danse des canards
• Bruit : « Cot cot cot ! »
• Action : picorer doucement l’enfant avec les mains en forme de bec

Comment introduire les dominos sociaux

Les deux à trois premières fois, présentez la séquence entièrement gratuitement, sans attendre de geste de l’enfant. L’objectif est qu’il apprenne la structure et sache ce qui va se passer.

Ensuite, après chaque étape, faites une pause.
Dans cette pause, l’enfant peut et doit montrer qu’il veut que vous continuiez.

Ces gestes communicatifs peuvent être très discrets. Par exemple :

• montrer des griffes pour indiquer « tigre »,
• faire un petit son ou un mini-signe corporel,
• mettre ses mains sur lui-même pour dire « mange-moi »,
• prendre vos mains et les poser sur son corps,
• se pencher légèrement vers vous,
• ou un regard attentif : pas un regard furtif ou perdu, mais un regard dirigé vers vous, qui suit vos gestes.

Tous ces signes comptent comme une initiative communicative, même s’ils sont petits, même si l’enfant ne parle pas.

S’il initie, vous continuez.
S’il ne montre rien, vous arrêtez.

Vous êtes le pilote du jeu. Ne sautez pas d’étapes, même si l’enfant propose autre chose. Votre cadre est essentiel.

Les erreurs les plus fréquentes

• manque d’enthousiasme et d’engagement,
• oublis de pauses,
• action finale trop longue (3–4 secondes max),
• poursuite des étapes sans attendre une initiative de l’enfant,
• recherche active de l’attention au lieu d’attendre un geste communicatif,
• laisser l’enfant modifier le cadre ou diriger la séance,
• continuer alors que l’enfant se désengage,
• ton trop fort, trop rapide ou trop bruyant (sans adaptation à l’enfant),
• manque de constance : la séquence n’est pas répétée de la même manière,
• difficulté à offrir les 2–3 premières séquences gratuitement,
• hésitations ou manque de fluidité parce que la séquence n’est pas maîtrisée,
• nommer l’animal sur un ton interrogatif (« le tigre… ? ») au lieu de l’annoncer clairement,
• attendre ou demander un mot à l’enfant avant de poursuivre.

À éviter absolument : attendre que l’enfant parle

Une erreur très fréquente consiste à s’arrêter ou à insister pour obtenir un mot de l’enfant avant de poursuivre la séquence.

Par exemple : l’enfant montre ses griffes pour dire « tigre », fait un son, se met en position, met ses mains sur lui-même pour dire « mange-moi », ou prend vos mains pour les poser sur son corps — et l’adulte essaie alors de lui faire dire « tigre » ou « mange-moi ».

Ce n’est pas ce que nous recherchons dans les dominos sociaux.

Quand l’enfant fait un geste communicatif, c’est à nous de dire le mot et de continuer le jeu.
L’objectif est d’encourager l’initiative, pas de forcer la production verbale.

Il n’y a aucune obligation à parler dans ce jeu.

Et enfin : le piège de la non-fluidité

Une erreur qui casse totalement le domino social, c’est lorsqu’on doit encore réfléchir pendant le jeu. Si vous hésitez, cherchez l’étape suivante ou manquez de fluidité, l’enfant sort immédiatement de l’interaction.

Pour éviter cela, il est essentiel de vous entraîner avant — avec votre partenaire, une amie, ou même un autre enfant — jusqu’à ce que vous maîtrisiez la séquence.

Vous devez la connaître comme une petite chorégraphie. Cette fluidité fait toute la différence dans l’engagement de l’enfant autiste.

Pourquoi c’est si puissant

Parce que ces activités apprennent à l’enfant :

• à initier,
• à participer activement,
• à montrer qu’il veut continuer,
• à rester engagé,
• et à découvrir que jouer ensemble, c’est vraiment chouette.

C’est un pas immense dans son développement social et communicatif.

Si vous essayez les dominos sociaux cette semaine, dites-moi comment cela s’est passé. Si j’ai assez de retours, je vous enverrai une nouvelle idée la semaine prochaine.

Je vous partage ces jeux pour que vous puissiez vous aussi en profiter à la maison.

Belle semaine à chacun !

Pour aller plus loin

Ce que j’aimerais que vous sachiez

J’adore vous donner des outils précis. Mais je sais qu’aucun article ou protocole ne suffira jamais à lui seul. Le vrai travail se construit dans la rencontre, l’observation, la relation, et la nuance.

Alors prenez ce que je vous partage comme un début, une direction. Et si vous avez besoin qu’on l’affine ensemble, je serai ravie de vous accompagner.