
Quand un enfant construit, découvre ou réussit quelque chose, la vraie récompense est déjà là : dans la joie de faire, dans le résultat obtenu. Il n’y a pas besoin d’en rajouter.
Ceci est le troisième principe de notre approche : privilégier les récompenses naturelles — celles qui découlent directement de ce que fait l’enfant.
Pour rappel :
Le premier principe : s’ajuster au développement (socio-émotionnel) de l’enfant.
Le deuxième principe : laisser l’enfant faire lui-même, autant que possible.
Et ce soir : éviter les récompenses qui n’ont pas de lien direct avec l’action de l’enfant.
Pendant mes 25 années de travail avec les enfants autistes, j’ai souvent utilisé des récompenses pour leur apprendre de nouvelles compétences. J’avais même fait développer une sacoche banane avec des scratchs sur laquelle on pouvait fixer des jetons verts marqués "aba-institut". Depuis 2020, je ne les utilise plus, sauf dans des situations où la sécurité est en danger. Par exemple, lorsqu'on apprend à un enfant à marcher aux côtés de sa mère et qu'il refuse, que la situation est dangereuse et qu'il est très difficile de sortir avec lui. Dans ce cas, il m’arrive d’utiliser des récompenses. Mais dans tous les autres cas — pour apprendre à jouer, à faire des activités à la maison, ou même pour le travail scolaire — je n’en utilise plus.
Dans cette lettre, j’aimerais vous expliquer pourquoi, et ce que j’ai observé comme inconvénients. Ce que dit la science, je le mets tout en bas de cette lettre. Mais ici, je partage avec vous ce que j’ai personnellement remarqué dans ma pratique avec plus de mille enfants, et surtout, l’histoire d’une petite fille qui m’a poussée à renoncer complètement aux renforçateurs.
Clarifions d'abord de quoi il s'agit. Une récompense naturelle, c’est ce que l’enfant obtient directement en agissant sur son environnement, sans qu’un adulte ait besoin d’ajouter quoi que ce soit. J'appelle "récompense naturelle" toute conséquence qui suit naturellement un comportement de l’enfant.
Par exemple :
il ouvre la porte : il peut sortir ;
il empile des cubes : il obtient une tour ;
il vient vers moi : je souris et ouvre les bras ;
il termine un puzzle : il voit l’image complète ;
il lance la balle : je l'attrape ;
il remplit une fiche : il la termine avec satisfaction.
Une récompense artificielle est ajoutée : l’enfant met un cube sur un autre et reçoit un bonbon. Il termine un puzzle et on lui donne une chips. Il complète une fiche et peut aller sur l’iPad. La récompense n'a aucun lien direct avec l'action.
Avant de parler des effets que j’ai observés, posons-nous une question honnête : pourquoi utilise-t-on ces récompenses artificielles ? Elles sont encombrantes, il faut y penser, les préparer, les donner… Alors pourquoi ?
La réponse la plus fréquente est (et cétait aussi la mienne) : pour enseigner une nouvelle compétence. Mais pourquoi ne pas l’enseigner sans récompense ? Si on se pose vraiment cette question, je pense qu'on répondra : parce que sinon, l’enfant ne le ferait pas. Donc, en réalité, on lui demande de faire quelque chose qu’il n’a pas envie de faire.
C’est vrai : je les utilisais surtout avec des enfants que je n’arrivais pas à motiver autrement. Des enfants peu attirés par le jeu, peu sensibles à l'interaction. Et ça fonctionnait. On pouvait les faire travailler, suivre des consignes, faire des activités. Les parents étaient contents. Mais l’enfant ne le faisait que dans ces conditions précises et avec un renforçateur.
Pourquoi ai-je alors arrêté ?
Parce que, malgré le fait que cela marchait, je voyais aussi les effets négatifs, que je vous détaille un peu plus loin. Et puis, un jour, une petite fille est venue pour qui les récompenses ne fonctionnaient pas. Même bien appliquées, elles n’avaient pas d'effet. Pire encore, malgré tous les jeux que nous proposions, aucun vrai lien ne se créait avec elle. Tout était prétexte à des cris. C’était une enfant très difficile, refusée ailleurs. Et là, il fallait que je le reconnaisse : ma méthode ne fonctionnait pas.
Grâce à elle, j’ai suivi une formation RDI de deux ans. On y disait que les enfants pouvaient progresser sans renforçateurs. Cela me semblait impossible, mais comme ils avaient beaucoup d'expérience, j’ai voulu apprendre. Les 20 familles que j’accompagnais alors ont accepté d'essayer. Et ce fut un succès.
Les enfants ont préféré les activités de co-régulation, le jeu en lien avec leurs parents, sans rien recevoir en retour, sauf le plaisir d'être ensemble. Cela exige de s’adapter davantage à leur niveau, d’observer, de suivre leurs intérêts. Les compétences qu'on travaille ne sont pas simples à enseigner : l’interaction, l’attention à l’autre, la flexibilité. Tout cela est bien plus difficile à transmettre que de faire apprendre un puzzle, nommer des objets ou tracer une ligne. Et même les enfants qui paraissaient désintéressés réussissent à entrer dans la relation.
Ce n’est pas simple, mais c’est possible. Et très gratifiant. C’est bien illustré par ce que me disait récemment une maman : « Vous m’avez rendu mon fils. »
Quels effets négatifs ai-je observés avec les renforçateurs ?
Des enfants qui n’interagissent que s’il y a quelque chose à gagner.
Des enfants qui demandent des activités juste pour obtenir la récompense.
Des comportements exécutés sans plaisir, vite faits, sans engagement.
Le plus gros souci éthique pour moi : cela permet de faire faire à l’enfant des choses qu’il ne veut pas faire ou pour lesquelles il n’est pas (encore) prêt. Cela n'a pas encore du sens pour lui. Souvent, on saute des étapes du développement, surtout dans le langage ou le jeu. L’enfant apprend alors des compétences plaquées, qu’il ne réutilise pas spontanément. Il ne comprend pas véritablement ce qu'il fait ou ce qu'il dit.
Sans renforçateurs, on doit proposer des activités vraiment adaptées. Sinon, l’enfant ne suit pas. Cela nous oblige à le rencontrer là où il est. C’est difficile, mais c’est le cœur de ma formation, qui recommence en septembre : comment évaluer le niveau réel de l’enfant, comment progresser en suivant le développement naturel, sans sauter d’étapes.
Et cette petite fille, depuis, revient chaque année pour trois semaines intensives. Depuis deux ans, elle compte les jours avant chaque séjour. Elle était là la semaine dernière. Elle a appris à lire, à écrire, elle va à l’école. Je prépare des fiches personnalisées basées sur sa vie pour travailler le langage. On fait aussi les courses ensemble. Jeudi, en sortant de la voiture, alors qu'on marchait vers le magasin, elle a spontanément pris ma main. Ce geste m’a émue. Il y a quatre ans, elle criait dès que je parlais. (Vous pouvez trouver tout l'histoire ainsi que les videos sur mon site.) Aujourd’hui, elle a hâte de venir. Et on passe des moments joyeux et riches, ensemble.
Je vous invite à oser enlever les renforçateurs artificiels, par exemple pour jouer, et à voir ce que vous pouvez créer comme interactions ensemble, sans renforçateurs. Vous serez peut-être agréablement surpris. Simplifiez le jeu jusqu'à ce que vous réussissiez à interagir avec votre enfant. Ce sera peut-être plus simple comme jeux que ce que vous espérez, mais ce sera un véritable échange, un vrai plaisir partagé, basé sur l’envie d’être avec vous, et non sur ce qu’il pourrait obtenir ensuite.
Ce que dit la science :
Une méta-analyse de 128 études (Deci, Koestner & Ryan, 1999) montre que les récompenses tangibles attendues réduisent la motivation intrinsèque chez les enfants.
L’effet de surjustification explique cela : l’enfant associe son comportement à la récompense plutôt qu'à son intérêt propre.
La théorie de l’évaluation cognitive montre que les récompenses diminuent le sentiment d’autonomie et de compétence (Ryan & Deci, 1985 ; Wikipedia ; ScienceDirect).
Les renforçateurs peuvent aussi réduire la générosité ou l'engagement prosocial (Alfie Kohn ; Harvard Business Review ; MyCollege).
À très bientôt, et si cela vous intéresse,
il reste encore quelques places pour la formation qui commence en septembre, n’hésitez pas à vous inscrire !

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