Laisser votre enfant faire par lui-même : pourquoi est-ce si difficile ?

En écrivant la lettre de cette semaine, je m’aperçois que j’ai beaucoup de mal à décrire le deuxième principe de notre approche : Laissez votre enfant faire par lui-même.

Le problème, c’est que j’ai trop de choses à partager sur ce sujet. Je ne sais pas par quoi commencer.

Heureusement, mon livre avance : une photo de l’autrice (moi) a été prise, une illustratrice a été trouvée (je suis très heureuse, elle fait des illustrations magnifiques), et le contenu est là.

Alors aujourd’hui, je vais me contenter de partager un seul événement, vécu la semaine dernière, qui illustre très bien ce principe.

"Mais je ne m’en rendais pas compte..."

C’est une phrase que j’entends très souvent quand je regarde des vidéos avec les parents que j’accompagne. Ils pensaient ne pas aider, mais se voient, en vidéo, guider leur enfant à chaque instant.

Alors la vraie question devient : comment faire pour s’en rendre compte ?

Je crois que la meilleure piste, c’est de travailler la présence à l’instant, de se mettre dans la peau de l’enfant, de voir le monde à travers ses yeux, ses compétences, ses difficultés, ses découvertes.

Quand l’enfant se retrouve face à une difficulté, un petit problème, je me pose ces questions : Est-ce une situation dans laquelle il peut apprendre quelque chose ? Est-ce qu’il peut réfléchir, essayer, rater... et peut-être réussir ?

Parfois je me dis : "Là, il va y arriver si je lui laisse juste un peu plus de temps." Ou : "Là, c’est trop difficile. Mais si je fais juste telle ou telle chose (par exemple, mettre de l’eau dans la machine à café), il pourra probablement le faire."

C’est ce genre d’ajustement que je fais. Mais je reconnais que ce n’est pas toujours facile à transmettre aux parents que j’accompagne.

Une histoire de café

Grâce à une conversation très honnête avec un papa que je connais depuis plusieurs années, j’ai mieux compris pourquoi il peut être si difficile de ne pas intervenir.

J’avais proposé une activité parfaite pour Louis : faire un café avec une machine Nespresso. C’était l’occasion idéale de lui montrer une petite séquence de trois ou quatre actions à retenir — un bon exercice pour apprendre à observer et à reproduire.

Je lui montre une fois. Puis je le laisse faire.

Première tentative : il oublie de mettre la capsule. Résultat : de l’eau chaude. Je lui remontre et il fait sa deuxième tentative : il oublie d’abaisser complètement la poignée. Résultat : encore de l’eau chaude. Je lui remontre à nouveau et il fait une troisième tentative : même oubli... toujours de l’eau chaude.

Et là, son père me dit : "Voilà pourquoi je guide toujours. Maintenant, il va retenir l’erreur. Une fois que c’est mal appris, c’est très difficile à corriger."

Je comprends ce qu’il veut dire. C’est vrai, parfois une erreur se répète. Et Louis l’a refaite une ou deux fois de plus.

Moi aussi, quand je prends la mauvaise sortie une fois sur l’autoroute, la fois suivante j’hésite. Quand j’apprends une séquence par cœur et que je me trompe une fois, l’erreur s’ancre.

Mais je crois aussi profondément qu’on apprend mieux quand on comprend pourquoi ça ne marche pas. Et pour cela, l’enfant doit comprendre ce qu’il fait. Pas juste mémoriser une suite d’actions, mais comprendre le sens de chaque geste.

Louis, lui, a appris à enchaîner mécaniquement, sans chercher à comprendre. Et c’est là, le vrai problème.

C’est à nous de créer des situations qu’il peut comprendre, avec du temps pour réfléchir, pour essayer, pour échouer... et pour réussir.

Une autre situation, un autre résultat

Une journée plus tard, j’ai observé exactement l’inverse : cette fois, Louis a compris ce qui s’était passé et a su se corriger immédiatement.

Nous étions au supermarché. J’ai demandé à son père de mettre trois aubergines dans un sac en papier que Louis tenait. Louis tenait le sac que son père lui avait donné.

Quand la première aubergine est tombée dans le sac, celui-ci est tombé par terre. Comme c’est le cas pour tous les enfants avec qui je fais ce test.

Louis a ramassé le sac, s’est replacé, et cette fois-ci, il l’a bien tenu avec ses deux mains, prêt à recevoir l’aubergine suivante.

Son visage montrait clairement sa fierté : "Tu vois, je le tiens bien, les aubergines ne tombent plus !"

Il avait compris la situation, trouvé la solution par lui-même, et il était visiblement fier de sa réussite. Un moment simple, mais très significatif.

Ce que dit la science

Les enfants apprennent mieux en se trompant. Des chercheurs comme Piaget ou Papert ont montré que l’enfant construit son savoir par expérimentation, erreurs et ajustements. C’est ce qu’on appelle l’apprentissage constructiviste.

Robert Bjork parle de "difficultés désirables" : ces erreurs qui poussent le cerveau à réfléchir, à reconstruire l’action, et donc à mieux retenir. On apprend souvent plus d’un échec que d’une réussite immédiate.

Et pourtant, l’apprentissage sans erreur existe aussi. Dans certains contextes on enseigne sans laisser de place à l’erreur, en utilisant des aides progressivement retirées.

C’est très utile pour :

des apprentissages à mémoriser comme les tables de multiplication, ou lorsque l’erreur crée du danger, de la confusion ou de l’angoisse.

Mais ici, ce n’est pas le cas.

Faire un café n’est ni dangereux, ni stressant. C’est un terrain d’exploration idéal pour tester, observer, corriger.

Oui, cela m’a coûté quelques capsules, mais l’enfant a vu ce qui se passe quand on oublie une étape, il a trouvé la solution lui-même, et il en était fier.

Et une fois qu’il a compris, il ne l’a plus jamais oublié.

Les opportunités ratées

Ces derniers jours, j’ai encore observé combien il est facile de passer à côté de moments d’apprentissage.

Ces petits instants du quotidien où l’on pourrait laisser l’enfant :

réfléchir,

expérimenter,

se tromper,

persévérer,

s’exprimer...

...et où, au lieu de ça, on fait à sa place.

Pas par malveillance. Mais par automatisme, par envie de bien faire, par peur qu’il échoue.

Et si on apprenait à attendre ?

C’est peut-être ça, le vrai défi : attendre, être présent, patient, laisser venir l’effort, la tentative, le regard.

Cela demande une forme de présence intérieure, presque méditative. C’est souvent ainsi que je vis mon travail.

Je me suis souvenue qu’il y a 24 ans, je m’étais fait une promesse : ne plus jamais guider physiquement un enfant.

Cela m’a obligée à :

réfléchir autrement,

me mettre à sa place,

imaginer ce qu’il comprend, ce qu’il perçoit, ce qu’il est capable de faire... ou pas encore.

Et ensuite, je choisis consciemment :

Est-ce que je le fais à sa place ?

Est-ce que je lui montre ?

Ou est-ce que je le laisse faire, en silence ?

Merci de m’avoir lue. Et si vous avez, vous aussi, attendu aujourd’hui, même une seule fois, je serais ravie que vous me le partagiez.

Je vous souhaite à tous de très bonnes vacances.

De mon côté, je passe une semaine au bord de la mer avec ma fille — un temps précieux que j’attendais avec joie.

À très bientôt, et si ce n’est pas encore fait :

il reste encore quelques places pour la formation qui commence en septembre, n’hésitez pas à vous inscrire !

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