Keziah, 17 ans : Transformer le quotidien en apprentissage

Keziah a dix-sept ans, il présente un autisme classique et une déficience intellectuelle.

Il vit avec sa mère dans un appartement, mais aujourd’hui il est ici, chez moi.

Je l’ai déjà vu, lorsqu’il était plus petit, et je me souviens de ce petit garçon qui rassemblait des objets dans une boîte. Cela semblait le rassurer.

Dès que je le fais entrer avec sa mère, il passe devant moi sans un mot et se dirige vers le grand salon. J’entends immédiatement : « Tic… tic… tic… » et, en levant les yeux, je vois qu’il tient deux morceaux de plastique dans les mains.

Il tourne en rond dans mon salon avec, d’un pas ferme, presque en marchant au pas, les épaules légèrement penchées vers l’avant comme s’il était pressé. Son regard glisse sur nous, comme si nous étions un meuble.

Sa mère s’assoit à table, les mains croisées.

« J’aimerais tellement pouvoir faire des choses avec lui à la maison, » dit-elle, la voix douce mais le regard inquiet. « C’est toujours marcher ou faire les courses. Rien d’autre n’est possible. »

J’acquiesce.

Elle continue : « Après une journée à l’IME, il est souvent fatigué, mais visiblement pas assez pour rester assis. »

« Melon ! » crie-t-il soudain, la voix forte et claire.

Je me lève, me tourne vers lui et dis : « D’accord, il est… » mais je ne termine pas ma phrase. Il est déjà à mi-chemin de son prochain tour. Il semble s’attendre à ce que je le lui apporte.

Je souris un instant, non pas à lui mais au schéma que je reconnais : des enfants qui demandent quelque chose puis reviennent aussitôt à leur propre “activité”. Comme si la demande se réalisait d’elle-même, sans qu’ils aient besoin d’être présents. Et je sais que c’est souvent le cas, sinon Keziah n’agirait pas ainsi.

Je dis à sa mère : « On va faire autrement. » Je lui explique : « Arrête de prendre l’objet ou d'aller vers l'objet qu'il veut, dès qu’il s’en va. »

Quelques instants plus tard, Keziah lance : « Chips ! » – « Oui, on peut prendre les chips.. » répond sa mère.

Nous les avons volontairement posées à un endroit où il ne peut pas les voir.

Il reste sur place, fronce légèrement les sourcils, voit qu’elle ne bouge pas, puis vient vers elle.

Ensemble, ils marchent jusqu’au paquet, et elle le lui donne une fois arrivés au bon endroit.

Un petit moment, mais tellement important.

Dehors, nous continuons l’exercice. Keziah demande à aller faire des courses. Il crie : « Voiture. Magasin ! »

Nous lui répondons oui, nous allons faire les courses, et nous enfilons nos chaussures.

Une fois dehors, il part en courant, les pieds fermement posés sur le gravier. Il fait un temps magnifique, le soleil chauffe mes épaules.

Nous nous arrêtons. Il lui faut un moment pour remarquer qu’il marche seul. Il se retourne, nous voit et revient vers nous.

Je lui dis : « On va faire les courses ensemble, c’est important que tu restes avec nous. »

Lorsqu’il est à nos côtés, nous reprenons la marche. Nous répétons cela toute la semaine : nous nous arrêtons dès qu’il part devant, ne disons rien et repartons lorsqu’il est à côté de nous.

Keziah commence à nous attendre, adapte son rythme au nôtre, et sa mère devient plus sereine, car elle n’a plus à courir derrière lui.

En voiture, quelque chose m’interpelle : le son de la même chanson en boucle. Keziah écoute toujours le même morceau sur son iPad.

Nous lui disons que nous allons écouter de la musique ensemble et lui demandons de nous donner l’iPad. Je mets d’abord sa chanson préférée. Keziah l’accepte, même s’il ne peut pas avancer ou reboubiner.

Ensuite, je lance un autre morceau – même style, même époque, mais différent. Il ne peut pas le faire défiler. Au deuxième morceau, il dit « Musique », ce qui, pour sa mère, signifie qu’il veut qu’elle l’enregistre sur son iPad.

Nous rions : nous avons trouvé un nouveau titre qui lui plaît. À la fin de la semaine, il connaît trois nouvelles chansons. Sa mère pousse un soupir de soulagement.

À la maison, dans la cuisine, nous préparons des frites, avec des nuggets de poulet que nous allons aussi faire nous-mêmes.

Au début, Keziah ne regarde pas comment je coupe le poulet ou les pommes de terre. En le faisant avec lui – je tiens le morceau et il coupe – il apprend à prêter attention à ce que je fais et à ne pas couper machinalement comme il en a l’habitude.

Pendant la préparation, il s’éloigne régulièrement. Quand il s’en va, je m'arrête aussi. Parfois, je m’assois même avec ma tasse de thé.

Il ne semble pas encore vraiment me voir pendant ses tours, mais il revient de plus en plus vite pour continuer à cuisiner.

Il a faim et demande du melon ou des chips. « Non, » répondons-nous, « on va manger des frites avec des nuggets, et il faut d’abord les préparer. »

Il revient, reprend son couteau et travaille bien pour préparer le repas.

Après le dîner, je donne à sa mère et à lui un grand ballon de baudruche bleu clair. Quand on le frappe, il vole lentement dans les airs. Idéal pour se le renvoyer.

Il frappe, elle frappe en retour. Le ballon plane, tombe au sol. Keziah le ramasse et reprend le jeu. Ils rient et jouent ainsi pendant dix bonnes minutes.

Je suis heureuse d’avoir trouvé une autre activité qu’ils pourront refaire ensemble à la maison.

Je leur ai aussi appris à faire ensemble un grand puzzle – trente-cinq pièces – en restant tranquillement assis à table. Pour la mère, c’est comme un cadeau.

Keziah répète souvent les mêmes questions : « Magasin ? Voiture ? Parc ? »

Sa mère disait autrefois : « Tu connais déjà la réponse, » et souvent Keziah répétait cette phrase juste après sa question. Il connaît la réponse de sa mère.

À présent, elle prend un stylo, dessine une maison, une voiture, un melon. Il regarde, acquiesce, se calme.

Parfois, il veut seulement être sûr qu’on l’écoute. Parfois aussi, elle découvre qu’il veut parler de l’événement, et le dessin mène à une courte discussion et à plus de compréhension.

C’est une révélation : jusqu’ici, elle considérait toutes les questions répétées comme de l’insistance. Mais ce n’est pas toujours le cas.

Jeudi. Keziah ne tourne pas en rond, ne demande rien, même pas à manger – sa chose préférée.

Il est assis sur le canapé, le regard triste, le visage fermé.

« Tu veux du repos, » dis-je.

Nous allons dans le jardin. J’installe une chaise longue pour la mère et le fils, et ensemble ils regardent les arbres.

Le vent fait bouger doucement les feuilles. Vingt minutes, ils restent là, côte à côte.

Une tasse de thé, le soleil sur nos visages. Un moment rare de calme.

J’espère que nous pourrons lui apprendre ainsi que le repos est quelque chose que l’on peut demander.

Le lendemain, il est de retour comme d’habitude. Peut-être pense-t-il que, comme la fois où il était malade, nous allons tout faire à sa place.

Il ne veut pas cuisiner et, après un petit geste, repart marcher.

Nous attendons chaque fois qu’il revienne et nous nous asseyons parfois aussi. Il revient de plus en plus vite et, finalement, travaille à bon rythme pour couper les pommes de terre et la courgette.

Il apprend que le repas ne se prépare pas si lui-même ne participe pas.

En une semaine, nous lui avons appris : huit nouvelles activités, à accepter le « non », à mieux demander, de nouveaux mots, à rester avec nous, à s’adapter.

Pour sa mère : du temps ensemble, du calme, du plaisir.

Je ne peux pas imaginer travailler autrement.

Les occasions sont partout : dans un paquet de chips, dans un melon, dans un moment où l’on ne se sent pas bien, et pendant les courses ou la cuisine.

Autrefois, je travaillais les compétences à table ; aujourd’hui, je vois toutes les occasions d’apprentissage qui se présentent tout au long de la journée.

Tout ce que j’ai à faire, c’est les saisir. Parent et enfant sont motivés, car tout ce qu’ils apprennent améliore immédiatement leur vie quotidienne.

Deux mois plus tard, Keziah revient pour un suivi mensuel de deux heures.

Il passe beaucoup de temps à jouer avec nous, prend beaucoup d'initiatives, ne déambule plus. C’est un sacré changement.

Dans le jardin, il nous demande de l’attraper. Après plusieurs reprises, nous décidons d’aller un peu plus loin et de nous cacher quand il vient nous chercher pour faire la demande.

Il nous trouve à chaque fois, et nous jouons ainsi pendant près de quarante minutes, dans un éclat de rires.

À un autre moment, nous jouons au ballon. Keziah rit, saute, nous regarde. Il est pleinement présent.

Quand il ne joue pas avec nous, il est assis calmement sur le canapé. Nous le laissons, et nous attendons simplement qu’il vienne vers nous.

Ces instants simples confirment tout ce que nous avions commencé à construire : le lien, la joie partagée, et le plaisir d’être ensemble, tout en respectant son rythme et son besoin de calme à des moments.

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